Saint-Jacques de Compostelle : Quatrième partie

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Le récit : quatrième partie

Compostelle : Quatrième partie
Texte et photos : Suzanne Mahler

Quatrième partie : Départ de Burgos, le 12 Juillet 2018 – Arrivée à Saint-Jacques de Compostelle, le 4 Août 2018

Total : 23 jours et environ 500 kilomètres

Les différentes étapes

  • Burgos → Rabe de las Calzadas : 16 kilomètres
  • Rabe de las Calzadas → Castrojeriz : 23 kilomètres
  • Castrojeriz → Boadillo del Camino : 21 kilomètres
  • Boadillo del Camino → Villarmentero de Campos : 17 kilomètres
  • 1 journée de pause !
  • Villarmentero de Campos → Calzadilla de la Cueza : 26 kilomètres
  • Calzadilla de la Cueza → Calzadilla de los Hermanillos : 30 kilomètres (dont 7 kilomètres de nuit)
  • Calzadilla de los Hermanillos → Reliegos : 19 kilomètres
  • Reliegos → Leon : 25 kilomètres
  • Leon → Vilar Mazarife (variante) : 22 kilomètres
  • Vilar Mazarife → Hospital de Orbigo : 25 kilomètres
  • Hospital de Orbigo → Astorga : 16 kilomètres
  • Astorga → Rabanal del Camino : 19 kilomètres
  • Rabanal del Camino → Molinaseca : 25 kilomètres
  • Molinaseca → Cacabelos : 23 kilomètres
  • Cacabelos → Las Herrerias : 29 kilomètres
  • Las Herrerias → Fonfria : 22 kilomètres
  • Fonfria → Los Calvos : 28 kilomètres
  • Los Calvos → Ferreiros : 14 kilomètres
  • Ferreiros → Monterosso : 24 kilomètres
  • Monterosso → Palas de Rei : 8 kilomètres
  • Palas de Rei → Arzua : 29 kilomètres
  • Arzua → O Pedruzo : 19 kilomètres
  • O Pedruzo → Saint-Jacques de Compostelle : 20 kilomètres

Le récit

À partir de Burgos, le chemin va s’étendre de jour en jour jusqu’à devenir plat. Complètement plat, et aride. C’est la région désertique que l’on appelle la Meseta et que le pèlerin redoute souvent le plus sur le Camino Frances. Ce sont de longs jours de marche qui s’annoncent devant moi, avec rien à l’horizon sur des kilomètres et des kilomètres. La chaleur y est redoutable et les points d’eau vont se faire plus rares. Certaines personnes choisissent d’éviter cette portion du chemin. Pour moi, je pense qu’il en fait partie intégrante et qu’il me faut le marcher aussi, ce passage plus difficile. Au contraire, je le vois comme une invitation à l’introspection. Et puis, en termes de dépassement personnel, j’aime les défis.

Auberge Amanecer

Véritable oasis sur le chemin, je suis arrivée à l’auberge Amanecer (dans le petit village de Villarmentero de Campos) en pensant n’y boire qu’un café et reprendre ma route. Et puis, je me suis laissée charmer par le lieu et j’y suis finalement restée deux jours ! Je m’accorde donc une première journée de pause complète, sans marcher, sur le Camino Frances.
Je me suis vraiment sentie bien dans cette auberge, entre les animaux en liberté (ânes, oies, chiens, chevreaux…), l’ambiance qui invite au repos, au jeu et à la création (hamacs dans les arbres, jeux de société, peinture à disposition, slackline, instruments de musiques…), sans oublier de parler des lieux d’accueils alternatifs (tipis, cabanes en bois…).

Ce fut donc une journée ressourçante, à passer du bon temps avec pleins de belles personnes, me laisser bercer au son de la guitare, manger de bons repas en collectivité, engager des discussions passionnantes… que du positif ! Me voilà rechargée à bloc pour continuer mon chemin.

Traverse nocturne

Cela faisait un certain temps que l’idée nous trottait en tête : avec une pèlerine rencontrée sur le chemin, on voulait tenter l’expérience de marcher de nuit. Nous quittons donc la ville de Sahagun vers 19h, le soleil se couchant. Dans la nuit, nous suivons difficilement les flèches jaunes au sol. Et sans le savoir, nous empruntons une variante (la via traiana qui est l’ancienne voie de Compostelle) sur laquelle, il n’y aura aucun village ni point d’eau sur plus de 19 kilomètres… Nous ne marchons finalement que 7 kilomètres dans la nuit noire.

Je dois dire que je ne suis pas rassurée, il n’y a vraiment aucune lumière, le ciel nuageux empêche la lune de nous éclairer. Malgré nos lampes frontales, nous avançons plus lentement que d’habitude. Nous décidons donc de nous arrêter sur le bord du chemin pour la nuit, dans un endroit qui ressemble à un petit parc.

Ce ne sera que le lendemain, après avoir marché plusieurs kilomètres, que nous réaliserons que nous avons pris une variante sur laquelle nous ne trouverons pas un seul village… et nous n’avons rien emmené à manger ! La journée est longue, sous le soleil écrasant. Lorsque j’arrive enfin à Reliegos, 19 kilomètres plus tard, le village m’apparaît comme un mirage. Je m’installe dans le premier café que je trouve et commande un bocadillo (sandwich) et un grand verre d’eau !

Ça y est, j’aperçois enfin les montagnes au loin… C’est la fin des paysages infiniment plats et arides. J’ai réussi à traverser la Meseta ! Cette portion du chemin aura été ponctuée de jolis petits villages et surtout de nombreuses auberges alternatives, écologiques et où il est très agréable de rencontrer des gens inspirants. Sans oublier, les champs de tournesols en fleurs les baignades dans les rivières (très) froides et les nuits étoilées.

De Léon à Compostelle

J’arrive ensuite dans la grande ville de Léon, qui est une très jolie ville, mais je décide de ne pas m’y attarder. En plus, des gros orages s’abattent sur la ville quand j’y arrive et cela ne m’invite pas à y rester longtemps pour faire du tourisme. Arrivée en Galice, avec ses paysages verdoyants et vallonnés… c’est un vrai plaisir de marcher ici ! On se retrouve aussi à nouveau dans des lieux plus ruraux, avec beaucoup de fermes. J’adore ça, car au détour d’un chemin, on rencontre des chiens, des vaches ou encore des poules en liberté.

La traversée des monts de Léon aura surement été une de mes journées coup de cœur du Camino Frances. C’est sur cette étape que l’on trouve la fameuse Cruz de Ferro, où la tradition veut que le pèlerin y dépose sa pierre, qu’il a porté dans son sac à dos depuis chez lui.

Les 100 derniers kilomètres

Les kilomètres s’enchaînent si rapidement… Je ne les vois plus passer ! Mon corps s’est tellement habitué que cela est devenu un rituel de marcher une vingtaine de kilomètres par jour. J’arrive alors à passer la ville de Sarria. C’est à partir d’ici que beaucoup de pèlerins commencent leur chemin. En effet de nombreuses personnes parcourent les 100 derniers kilomètres du chemin jusqu’à Compostelle, qui sont ceux à faire pour obtenir sa Compostela, un diplôme délivré par le bureau des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle, attestant du pèlerinage.

Comme beaucoup, j’apprécie un peu moins cette dernière partie du chemin, que l’on appelle souvent l’autoroute à pèlerins. L’énergie y est vraiment différente et les gens viennent souvent marcher en groupe ou en famille.

Je dépasse d’ailleurs aussi la mythique borne des derniers cent kilomètres à parcourir avant d’atteindre la Cathédrale de Saint-Jacques de Compostelle… Cela me plonge dans un mélange de sentiments. Je suis autant excitée qu’apeurée à l’approche de mon but… Je n’ai pas envie que tout cela se finisse et en même temps j’ai hâte d’y être, et de réaliser que oui, je l’ai fait !

Arrivée à Santiago de Compostela

Ça y est j’y suis, sur cette place, devant cette cathédrale vers laquelle j’ai marché ces 3 derniers mois ! Pas facile de décrire mon arrivée, magique et pleine d’émotions, mêlées à une forme d’incompréhension, perdue dans la foule….Il m’a fallu quelques jours avant de réaliser que j’étais arrivée à mon but et que c’était bien ici que se terminait mon pèlerinage.

Je suis incapable de vraiment raconter ce qui se passe à Compostelle. Un doux mélange d’euphorie et de profonde tristesse, je crois. On y retrouve des pèlerins rencontrés tout au long de son chemin, dont certains que je n’avais pas vus depuis plus d’un mois ! En se promenant dans la rue, on croise une personne avec qui, quelques jours ou semaines plus tôt, on partageait le chemin. Finalement, on tombe dans les bras les uns des autres. On est tous tellement émus et heureux de se savoir arrivés jusqu’ici.

Vers l’Océan

Je reste 3 jours entiers à Compostelle. Puis je pars en direction de Fisterra, la fin de la terre, sur la côte Atlantique de l’Espagne. Environ 90 kilomètres séparent Saint-Jacques-de-Compostelle de Fisterra. La tradition veut que le pèlerin se rende jusqu’à la mer après être arrivé à Compostelle, et sur la plage, y trouve sa fameuse coquille de Saint-Jacques. Je prends donc à nouveau la route avec tout un groupe de pèlerins rencontrés sur le chemin. Nous mettrons 5 jours à marcher avant de pouvoir aller nous baigner, dormir sur la plage, et admirer le coucher de soleil devant le fameux phare de Fisterra. C’est d’ailleurs aussi là-bas que se trouve la véritable borne du Kilomètre zéro …symbole fort de la fin de cette folle aventure !

Après quelques jours passés à Fisterra, entre mirage et réalité, il est temps de dire au revoir à certains amis qui repartent vers leurs vies respectives. Pour ma part, je me sens encore complètement perdue…Alors qu’est ce que ça fait un pèlerin indécis ? Et bien ça marche !

Le retour

Depuis Fisterra, nous partons donc avec le reste du groupe en direction de Muxia, joli petit village à 30 kilomètres de là. Tout ça histoire de se perdre une dernière fois dans les forêts d’eucalyptus, sentir le vent de la mer sur son visage et profiter jusqu’au bout des nuits étoilées sur la plage. Après deux jours de marche, je me rends compte qu’il est temps pour moi de rentrer. C’est donc à Muxia que mon aventure du Chemin de Compostelle s’achève véritablement…

Je sais que ce n’est pas la fin, mais le début de quelque chose de nouveau. Mais ces trois derniers mois ont été si riches et si intenses qu’il va me falloir un peu de temps avant de complètement revenir à la « réalité ». « Au tic tac de l’horloge, le voyageur répond par le martèlement de sa semelle. » Sylvain Tesson, petit traité sur l’immensité du monde


Image représantant notre collaboratrice Suzanne pour son article sur Lone Cone

À propos de Suzanne

Grande amatrice d’activités de plein air, Suzanne a toujours eu soif d’aventures et de voyages. Facebook • Instagram • Site web • Youtube