Le récit : deuxième partie
Compostelle : Deuxième partie
Texte et photos : Suzanne Mahler
Deuxième partie : Départ de Cahors, le 6 Juin 2018 – Arrivée à Saint-Jean Pied de Port, le 27 Juin 2018
Total : 22 jours et 400 kilomètres
Avant de commencer cette deuxième partie de mon récit sur le Chemin de Compostelle, j’avais envie de faire une petite précision. A travers les 4 articles qui retracent mon expérience du chemin de Compostelle, je me garde de vous donner les noms, ou encore de publier toutes les photos prises avec les personnes rencontrées sur le chemin. D’abord parce que j’ai vraiment fait de très nombreuses rencontres, et certaines m’ont touchées, voire marquées à vie.
Il me serait donc impossible pour moi de vous parler de tous ces gens qui ont fait mon chemin, et de vous raconter tout ce que j’ai vécu avec eux. D’autre part, parce que je ne souhaitais pas forcément exhiber ces gens dans le récit, qui se veut plus un descriptif de la randonnée en tant que telle. Et puis, je pense que passer cela sous silence est pour le mieux, afin de garder toute sa magie au chemin, et notamment si vous lisez ces lignes avec le désir, vous aussi, de vous lancer dans cette incroyable aventure.
Cahors
- Cahors → Lascabanes (23 km) – Étape 21
Il est huit heures lorsque j’emprunte le chemin parsemé de coquilles dans les rues de Cahors. Ce matin, en marchant dans les rues bruyantes de la ville, je regarde les gens s’affairer autour de moi, allant au travail ou à l’école. Et je me dis avec délice : moi, aujourd’hui, je marche. Le ciel a beau être d’un gris menaçant, je suis trop heureuse. Ma journée va ressembler à ça : je vais avancer, avec mon sac sur le dos, au rythme de mes pas.
Le chemin remonte dès la sortie de la ville et nous offre un beau panorama sur Cahors et son pont Valentré. Je me souviens très bien, il y a quelques années de cela, avoir vu passer des pèlerins sur ce célèbre pont. Il me semble qu’alors, je m’était secrètement fait la promesse qu’un jour, moi aussi, je le traverserais, mon gros sac sur le dos et mes bottes de randonnée aux pieds.
Tarn et Garonne
- Montlauzun (18 km) → Étape 22
- Durfort Lacapelette (17 km) → Étape 23
- Malause (20 km) → Étape 24
Les kilomètres s’enchaînent de plus en plus facilement. Sur le plan physique, mes pieds ont commencé à aller mieux et mon corps s’habitue à la marche. Après Cahors, le chemin quitte le paysage sec et caillouteux des Causses pour devenir plus peuplé et plus travaillé par l’homme, avec de nombreux champs et vergers. Et d’ailleurs, c’est le temps des cerises !
Les fermiers du coin ont la grande générosité de penser aux marcheurs : à plusieurs endroits on peut trouver des cagettes remplies de cerises sur des petites tables destinées aux pèlerins de Compostelle.
Un matin alors que je passe près d’un verger, un vieil homme arrive vers moi et m’offre une branche de cerisier qu’il vient de couper. Je continue donc mon chemin la banche à la main, tout en me délectant des cerises qui la garnissent.
De jolis villages parsèment le chemin dans le département du Tarn et Garonne. Parmi eux, Montcuq, Lauzerte ou encore Auvillar ont été sans nul doute mes préférés. Et puis, il y a la ville de Moissac, qui est elle aussi une des étapes importante dans le pèlerinage. Son abbaye et surtout son cloître, sont considérés comme l’un des plus beaux ensemble architectural français avec ses sculptures romanes. Beaucoup de pèlerins s’arrêtent donc ici pour passer la nuit. Après une grande pause et une visite, je décide pour ma part de repartir. Je commence à ne plus apprécier de rester trop longtemps dans les villes.
Sur les bords du Canal des deux mers
- EtEspalais (10 km) → Étape 25
Au lieu de prendre le chemin original, plus vallonné et surement plus enthousiasmant, j’ai choisi de prendre la variante qui emprunte une portion du Canal des deux Mers (il relie l’Atlantique à la Mer Méditerranée). À Moissac, on m’avait recommandé d’éviter le sentier original car avec les grosses pluies des derniers jours, le chemin était très boueux et glissant, voire inondé à certains endroits. Et puis, je dois dire que j’en avais aussi envie car j’étais déjà passée par ce même canal lors d’un vélo-trip il y a quelques années de cela. Je me souviens d’ailleurs y avoir croisé une jeune pèlerine de Compostelle qui m’avait beaucoup intriguée à l’époque.
Depuis quelques jours, et après plusieurs discussions avec différents pèlerins, je commence à sérieusement envisager de continuer mon chemin après Saint-Jean Pied de Port, qui est la dernière étape de la Via Podiensis en France. Au départ, je pensais ne marcher que la partie française, car c’était déjà un énorme challenge. Mais plus j’avance, et moins j’ai envie de m’arrêter. Alors je pense au Camino Francès et à Saint-Jacques de Compostelle. Après tout, qu’est-ce qui me retient ?
Le Gers
- Miradoux (19 km) → Étape 26
- Lectoure (16 km) → Étape 27
- Castelnau sur l’Auvignon (23 km) → Étape 28
- Larresingle (20 km) → Étape 29
- Un peu avant Eauze (22 km) → Étape 30
- Nogaro (18 km) → Étape 31
Après les champs de blé et les vergers, ce sont des vignes à perte de vue qui viennent donner du relief au paysage. Et puis, bientôt, les vignes se transforment en champs de maïs.
Mon passage dans le Gers aura été marqué par de fortes pluies et des portions de chemin entièrement inondées. Pendant plusieurs jours, je marche les chaussures trempées et pleines de boue, ce qui n’est vraiment pas agréable. À certains endroits, on peut voir le chemin sous presque un mètre d’eau. Nous sommes contraints de faire des détours en passant par la route, parfois mêmes des routes nationales sans trottoir. Marcher ainsi, dans les talus d’herbe mouillée, avec les voiture qui nous frôlent à vive allure, est assez dur psychologiquement pour moi. Le soir, je n’ai pas le courage de faire du bivouac, alors je dors plus souvent en gîte pour faire sécher mes vêtements de la journée.
Lectoure
Enfin, un soir, arrivée à Lectoure, le soleil revient. Entre pèlerins c’est la véritable joie ! J’en profite pour visiter la ville et la cathédrale, ainsi que sa tour où il est possible de monter pour observer une superbe vue à 360°.
Si le Gers n’est pas le département le plus beau du parcours, certains villages valent tout de même le détour. J’ai par exemple fait un crochet pour visiter Larresingle, le plus petit village fortifié de France. Tout mignon et encore très bien préservé, je décide d’ailleurs d’y passer la nuit dans les douves vides, où l’herbe à l’air confortable. Mais au restaurant du village, la serveuse voyant l’heure tardive et mon gros sac à dos, me questionne pour savoir où je dors. Je lui parle des douves, et elle m’informe qu’elles sont très humides. À la place, elle m’invite à camper dans son jardin. Encore une belle surprise du chemin, et un beau témoignage de générosité.
Les grosses chaleurs
- Lelin-Lapujole (16 km) → Étape 32
- Passé Aire Sur l’Adour (18 km) → Étape 33
- Pimbo (25 km) → Étape 34
- Pomps (28 km) → Étape 35
Alors que j’arrive dans les Landes, je rencontre d’énormes chaleurs. Malgré des départs tôt le matin et les grandes pauses ombragées que je m’impose, la chaleur est étouffante et rend mon avancée difficile, surtout moralement. Il faut dire que le chemin est en grande partie sur des routes de bitume exposées en plein soleil, ce qui n’aide pas à avancer.
J’arrive un soir à l’auberge communale de Pomps, où je demande à planter ma tente dans le jardin. Mais je me rends vite compte qu’il fait bien trop chaud pour dormir sous ma tente…Je décide donc de dormir à la belle étoile ! C’est ainsi que j’expérimente mes premières nuits, à la vue de tous, et donc, plus vulnérable. Mais le bonheur de se réveiller en pleine nuit et de découvrir comme toit un ciel illuminé d’étoiles, l’emporte sur mes appréhensions. Je commence à penser à me séparer de ma toile de tente pour la partie espagnole du chemin. Après tout, il fera plus chaud en Espagne et cela allègera encore mon sac.
Le Pyrénées se dessinent…
- Oratoire de Notre Dame de Muret (21 km) → Étape 36
- Navarrenx (20 km) → Étape 37
- Journée de pause → Étape 38
- Deuxième journée de pause Pause de 2 jours à Navarrenx → Étape 39
Ce matin, j’aperçois pour la première fois de mon parcours la muraille des Pyrénées qui se dresse dans le lointain. A partir de maintenant, chaque pas que je fais me rapproche un peu plus de ce but. Je garde les yeux rivés sur ces montagnes qui annoncent un passage difficile, et une étape importante dans mon périple. Bientôt, je serais à ses pieds.
Pause de 2 jours à Navarrenx
- Passé Aroue (25 km) → Étape 40
- Refuge passé Ostabat (20 km) → Étape 41
- Saint-Jean Pied de Port (21 km) → Étape 42
Aujourd’hui, je ne marche pas. Cette expérience de l’arrêt, dans un voyage où je n’ai cessé d’être en mouvement, est assez déroutante. Heureusement, je ne suis pas la seule à faire une pause en chemin et je passe le temps avec d’autres pèlerins. Aucune blessure physique ne m’impose cet arrêt mais j’ai donné rendez-vous ici à un amis qui voulait venir me voir sur le chemin. Je profite de ce temps pour visiter le bourg médiéval de Navarrenx et me reposer au soleil sur les bords de la rivière de la Gave, où j’ai d’ailleurs planté ma tente et élu domicile pour les deux jours. La pause est salvatrice, et lorsqu’il est temps de partir, il est difficile de me remettre à marcher.
Le pays basque
Cette région que je traverse pour la première fois de ma vie est sans aucun doute un des coups de cœur du chemin de Compostelle. L’architecture des bâtiments est vraiment magnifique et harmonieuse. J’y découvre également la culture locale: la pelote basque, évidemment, mais aussi la langue et le mode de vie encore très lié à l’agriculture.
Une des étapes qui m’a beaucoup marquée sur cette portion de chemin, c’est celle qui mène à la chapelle de Soyarza. Les paysages sont magnifiques, et ça grimpe pas mal pour atteindre cette chapelle qui était à l’origine un ermitage. De là haut, on a une belle vue sur la chaîne des Pyrénées qui est maintenant si proche.
Saint-Jean Pied de Port
Un peu plus tôt avant la chapelle, je dépassais la stèle de Gibraltar, pierre emblématique notifiant l’endroit où se rejoignent les pèlerins de la voie du Puy en Velay, celle de Vézelay et de Tours. On le sent, on s’approche de Saint-Jean Pied de Port. Un sentiment d’achèvement, presque imperceptible, se glisse entre les pèlerins qui ont déjà marché la moitié de leur chemin vers Saint-Jacques de Compostelle.
À Saint-Jean Pied de Port, je me retrouve perdue entre la cohue touristique et la joie étourdissante d’être arrivée à la frontière avec l’Espagne, au pieds des Pyrénées. Ici, on se retrouve soudainement avec un très grand nombre de nouveaux pèlerins. Beaucoup commencent leur chemin, et feront leurs premiers premiers pas vers Compostelle le lendemain, à travers les Pyrénées.
Pour ma part, bien que l’étape des Pyrénées soit décisive puisqu’elle marque ma décision de continuer mon chemin jusqu’au bout, j’aurais déjà marché presque 750 kilomètres. Cela fera un mois et demi que je suis partie du Puy en Velay. Et ce n’est pas fini !Le chemin continue en Espagne, sur les 800 kilomètres qui m’attendent sur le Camino Frances.